COMMUNAUTÉ BROUGH SUPERIOR
ACTUALITÉ
LAWRENCE “LEAPING LENA”
Thierry Henriette conservait depuis longtemps dans un coin de son prolifique cerveau l’idée de
produire un side-car, comme ceux qui sortaient régulièrement de l’usine de Nottingham, notamment l’incroyable “Straight-Four Combination” qui fait partie des modèles sélectionnés par Taschen. “Four” pour les quatre cylindres alignés bien sûr, mais aussi pour les roues, puisque deux roues parallèles quasi accolées l’une à l’autre assurent la stabilité de l’engin, en plus de la roue avant et celle du panier. « Un tiers des Brough Superior produites avant-guerre étaient attelées, elles servaient souvent à véhiculer une famille, car les moteurs tractaient bien » rappelle Albert Castaigne, directeur actuel de Brough Superior, dont le regard s’illumine lorsqu’il évoque le design du side-car unique réalisé par l’équipe toulousaine de Brough Superior, sur la base du moderne modèle Lawrence (premier à répondre aux normes Euro 5) : « Son panier en forme de cigare aéro lui donne un côté zeppelin ». De fait, les lignes de cette déclinaison moderne du side-car Brough Superior font directement référence aux années 30.
Rémy Lavernhe, designer au siège toulousain de la marque, s’est inspiré de la “Belle époque” pour esquisser les lignes du panier aux contours art-déco. Pour la réalisation de la “nacelle”, c’est Eric, « magicien du métal et de la soudure » qui s’est attelé à la tâche, avec un sous-châssis en titane et une structure en feuilles d’aluminium. Plus de 120 heures de travail lui ont été nécessaires pour aboutir à ce side-car à la fois racé et raffiné.
Nous avons profité d’une fenêtre de quelques jours entre l’homologation en bonne et due forme de l’engin par l’UTAC et sa livraison à l’acheteur, originaire du sud de la France, pour demander à ce dernier s’il nous autorisait à réaliser un essai d’exception pour Moto Heroes. L’approbation obtenue, nous avons pris les commandes du premier side-car de l’ère moderne de Brough Superior en direction des splendides routes du Tarn, proches de l’usine toulousaine. Le panier est suffisamment au goût de mon acolyte, l’esthète Martin, pour qu’il se glisse dedans et s’y sente à son aise. Je le suis également, parce qu’à vide, le side-car emmené par le vigoureux bicylindre de 1000 cm3 déleste facilement son attelage dans les virages à droite, de sorte qu’on peut rapidement se prendre pour Rémy Julienne.
Nous verrons plus tard que l’on peut même faire prendre un peu de hauteur à Martin en négociant ces mêmes virages à bonne allure. Ceci pour dire à quel point l’ensemble est sain et joueur, fait remarquable pour un véhicule produit en exemplaire unique, avec les contraintes multiples de l’attelage qui plus est. Bien sûr, comme sur tous les side-cars, la conduite asymétrique est plus physique que sur un deux-roues classique, et sur ce point le large guidon d’origine de la Lawrence est d’une grande aide. Le bras de levier est particulièrement utile dans ces mêmes virages à droite, les courbes à gauche permettant de prendre un confortable appui sur la roue du panier, laquelle ne comporte pas d’étrier de frein. Le choix de Thierry Henriette de conserver les éléments de freinage d’origine ne nuit pas au ralentissement grâce à la puissance du système Beringer à l’avant.
Un supplément de mordant a été apporté à la roue arrière, afin de ralentir le poids supplémentaire dû à l’attelage. Une action appuyée et simultanée sur le levier droit et la pédale droite fait légèrement dévier le side-car vers la gauche, mais de manière absolument modérée, comme sur tout side-car qui se respecte, la tenue de cap étant rectiligne lorsqu’on lâche les commandes sans action de freinage. Même si les jantes façonnées au sein même du siège de la marque par la nouvelle centrale d’usinage 5 axes sont extrêmement légères (ce qui contribue notamment au délestage du panier en virage), le side-car accuse tout de même près de 300 kilos sur la balance. La suspension additionnelle fera merveille lorsque l’on sortira des sentiers battus pour une virée “off-road” tout à fait impromptue.
La prise en main sera donc rapide pour tout habitué à la conduite d’un side-car, de sorte qu’on ne s’étonne guère du nom “Leaping Lena” donné à cet exemplaire unique, en rapport avec la riche histoire des records de vitesse. En effet, en 1932, un Australien du nom d’Alan Bruce établit un record à Vienne en devenant le premier homme à franchir la barre des 200 km/h en side-car au guidon d’un side-car Brough Superior à moteur 1000 JAP nommé... Leaping Lena ! à noter que le side-car embarquait alors un lest de 65 kg pour tenir lieu de passager. Peu ou prou le poids de Martin, qui alors que je regagne le siège de Brough Superior à allure modérée, commence à dodeliner de la tête, confortablement installé dans son “panier”.